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Comme de longs échos qui de loin se confondent…PAIX!!!

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Comme de longs échos qui de loin se confondent…

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Elle s’arrêta un instant pour observer le ciel, ce ciel d’automne aux couleurs mordorées. Elle ne put s’empêcher de le photographier avec le vieil appareil que Malik lui avait offert pour ses 17 ans. L’horizon était immense, et lui rappelait les cieux de son Sahara, lorsque les sables et les vents tourbillonnaient au rythme de la vie. Mais surtout, il évoquait en elle ces vers que son professeur de lettres lui avait demandé d’apprendre pour le premier exposé de son année d’hypokhâgne :

Ayant l’expansion des choses infinies,

Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,

Qui chantent les transports de l’esprit et des sens…

Aïcha adorait Baudelaire, la délicatesse de ses mots alliée à la puissance de son esprit. L’infini, voilà ce qui lui manquait tellement, à la cité, lorsqu’elle se heurtait en permanence à l’hostilité d’un quotidien étriqué par la précarité. Et l’étroitesse d’esprit qui régnait dans cette population qu’Aïcha, pourtant, portait dans son cœur, lui rongeait les sangs. Elle détestait les regards obliques et prédateurs des garçons lorsqu’elle se rendait en cours vêtue « à l’occidentale », toujours très sagement, afin de ne pas attiser les provocations ; elle attendait toujours d’avoir atteint la place Saint-Sernin, essoufflée par sa course matinale entre ses deux correspondances, pour ourler ses yeux de khôl et pour peindre sa bouche aux couleurs de son humeur. Au lycée, elle était libre. Elle existait entièrement.

Soudain, l’annonce automatisée de la SNCF la tira de sa rêverie. Elle regretta aussitôt d’avoir pris cette photo, et se mit à courir pour descendre vers le souterrain et tenter d’attraper la dernière navette vers Colomiers. Mais en remontant vers la voie, hors d’haleine, elle vit les portes de fermer et la machine s’éloigner. Elle sourit, dépitée, et remonta lentement vers la salle des pas perdus de la petite station de banlieue, fouillant déjà dans son sac pour en extirper le gros trieur de philo. Tant pis, elle s’avancerait dans la dissertation sur le bonheur.

C’est alors qu’elle l’aperçut. Il était assis sur l’un des bancs de la placette, lisant, malgré l’obscurité qui envahissait la gare, un gros livre qu’Aïcha reconnut immédiatement. Cette édition ressemblait en tous points à celle qu’elle avait presque toujours dans son sac, écornée, un peu jaunie, les pages presque vivantes d’avoir été relues mille fois. Elle pouvait presqu’en sentir le parfum, cette odeur caractéristique des livres de poche, qui lui faisait parfois tourner la tête de joie. Ce parfum-là, pour Aïcha, avait l’odeur de l’indépendance et du secret ; il symbolisait sa révolte sourde contre sa condition, contre la fatalité qui aurait voulu qu’elle arrête ses études à la fin du collège, ou qu’elle prenne une des voies professionnelles où tant de jeunes filles des « Quartiers » étaient enfermées, comme dans une nouvelle prison faisant écho à la ghettoïsation de leur cité.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

-Et d’autres, corrompus, riches et triomphants…

Le jeune homme leva la tête et lui sourit, refermant Les Fleurs du mal, et se leva très vite.

-          Vous voulez vous assoir ? Je vous en prie, ma correspondance va arriver, je n’ai même pas le temps de lire la fin de mon poème !

Aïcha éclata de rire, toute à l’allégresse de cette rencontre inattendue.

-          Lequel lisiez-vous ? Je les connais tous par cœur, je vais vous en réciter la fin ! Mais d’où sortez-vous ? J’ai l’impression de faire une rencontre du troisième type…Ce n’est vraiment pas courant de croiser sur ce quai des garçons qui lisent de la poésie, vous savez…Même les slameurs ne se risquent pas chez nous, nous sommes la frange dure de la ville rose !

-          J’arrive tout droit de Tel Aviv, je viens faire une conférence au centre culturel juif, sur la poésie israélienne, justement, répondit le jeune homme en souriant. Je suis doctorant et j’ai obtenu une bourse d’études pour Paris, mais je voulais faire cette étape à Toulouse, entre autres aussi pour rencontrer la famille de la petite Myriam…Et vous, vous êtes étudiante aussi ?

Aïcha avait pudiquement détourné le regard à l’annonce du prénom de la fillette assassinée quelques mois auparavant à l’école juive de Toulouse. Elle soupira et croisa à nouveau les magnifiques yeux verts de l’inconnu qui pourtant, étrangement, lui paraissait si proche.

-          Je suis seulement en hypokhâgne, cela correspond à la première année d’études, et je voudrais faire un master de littérature, puis enseigner à l’étranger, ou travailler dans l’alphabétisation. Et je ne devrais même pas vous parler, vous savez…Mes frères seraient fous s’ils me voyaient discuter avec un…feuj, ajouta-t-elle en souriant d’un air de défi.

-          Je m’appelle Dov, et je suis surtout un amoureux de la culture française et de ses lumières, répondit le jeune homme en cherchant un stylo dans son cartable. Vite, donnez-moi votre nom et votre mail, je me suis fait voler mon portable à Marseille, mais je vais noter vos coordonnées et je vous rappellerai ou vous écrirai, promis ! On se fiche bien de ce que pensent les autres, non ? Je vous trouve merveilleusement belle…et je ne laisserai pas une inconnue qui récite Baudelaire par cœur s’évaporer dans la nature, termina-t-il en regardant Aïcha droit dans les yeux, la faisant craquer avec son imperceptible accent.

Puis il partit en courant, serrant le petit papier dans sa main, non sans avoir délicatement embrassé la jeune fille sur les deux joues, comme on embrasse une enfant sage, en lui murmurant un vers qui parlait de « parfums frais comme des chairs d’enfants… »

 

Aïcha rentra dans sa cité sur un petit nuage, et s’enferma très vite dans la chambre qu’elle partageait avec ses deux petites sœurs, prétextant du travail, mais allant longuement sur google pour faire des recherches au sujet de  Dov.

Le jeune étudiant occupait déjà de nombreuses pages sur le net, et Aïcha passa une partie de la nuit à lire des articles sur divers auteurs qu’elle ne connaissait pas, ou très peu. Dov avait consacré un mémoire de littérature comparée à une grande poétesse iranienne, Forough Farrokzhad, et à une poétesse juive de la Shoah, Rose Ausländer, et la jeune étudiante eut les larmes aux yeux en voyant les incroyables correspondances entre leurs mots croisés, au-delà des conflits qui agitaient les peuples…

گامی ست پیش از گامی دیگر C’est le pas, puis le pas suivant,

که جاده را بیدار می کند. Qui fait s’éveiller le chemin

تداومی ست که زمان مرا می سازد Notre temps se tisse d’un fil continu

لحظه هائی ست که عمر مرا سرشار میکند. Ce sont les instants qui saturent nos existences.

Car ces vers de la « Ballade des saluts et des adieux » de la poétesse iranienne correspondaient si bien au « cheminement séculaire du mot au mot » de la poétesse de la Bucovine et à son :

pas de rêve que

nous rêvions ensemble

à hauteur d'ombre,

qu’Aïcha se prit à rêver, elle aussi, en découvrant « Ou alors », ce poème de Rose Ausländer. À rêver d’un monde où les jeunes filles « rebeu » auraient le droit de lier amitié avec des jeunes « feujs », à rêver que la poésie sauverait le monde…Il lui semblait que les vers des deux écrivaines étaient « comme de longs échos qui de loin se confondent »…C’est à ce moment-là que sa mère se mit à hurler dans la pièce voisine.

Aïcha se précipita dans le salon et prit le téléphone tombé par terre, tandis que Malik tentait de calmer leur mère, effondrée. Elle entendit d’autres hurlements dans le combiné, et des pleurs, et finit par reconnaître la voix de sa cousine. Une roquette venait de tomber sur la maison de sa tante maternelle, Fatima, une infirmière qui avait épousé un médecin palestinien. Ils vivaient et travaillaient à Gaza. Fatima était morte, ainsi que Rachid et Zohra, les jumeaux de cinq ans. L’oncle Ahmed prit ensuite le relai, en pleurs, lui aussi, expliquant que ce mois de novembre 2012 était terrible, et que leur famille était gravement touchée. Il demanda à Aïcha d’essayer d’organiser l’évacuation de sa cousine et du petit Khaled, le bébé de six mois, blessé à la tête. Puis la communication fut interrompue, et un silence assourdissant régna dans l’appartement.

Tremblante, Aïcha repartit dans sa chambre. Elle déchira rageusement le papier donné par Dov, brûlant d’envie de jeter son ordinateur, celui que le Conseil Régional avait financé en partie, par la fenêtre de leur quinzième étage. Elle hurlait intérieurement, prise d’une colère irrépressible envers le peuple juif qui bombardait les siens, et désespérée à l’idée de son impuissance. Que n’avait-elle pas commencé médecine, elle aurait pu partir comme volontaire internationale, être utile…A quoi bon tous ces mots, ces rêves, ces poèmes ? Le monde devenait fou, les peuples, encore et toujours, se déchiraient dans un massacre des innocents toujours renouvelé…

Son portable vibra. C’était un texto, un numéro inconnu. Pensant qu’il s’agissait peut-être d’un de ses cousins installés en banlieue parisienne, elle ouvrit le message.

-          Aïcha, c Dov. Roket tombé immeuble parents Tel Aviv. Ma sœur et ma mère très touchées. Je rentr 2min. Ne tombons pas ds ce piège, ds haine. Leilatov, bn nuit.

Sa colère retomba, aussi soudainement qu’elle l’avait envahie. Bien sûr. La souffrance n’était pas l’apanage d’un seul peuple. Un instant, la haine l’avait aveuglée, et la soif de vengeance avait effacé en quelques secondes la paix et l’espérance qu’elle venait pourtant de ressentir en découvrant les correspondances émotionnelles de ces poétesses…Elle devait se ressaisir, elle le devait à la mémoire de sa tante, une femme courageuse et engagée, et elle le devait à la mémoire de tous ces autres morts, des morts de la Shoah, que son propre peuple conspuait si souvent, malgré les atrocités du passé.

Elle sourit, à nouveau, en relisant le SMS où des phrases entières se mêlaient maladroitement au langage « texto ». Une idée folle lui vint. Mais oui, bien entendu, cette rencontre n’était pas anodine. Dov allait peut-être pouvoir l’aider à faire évacuer ses cousins de la bande de Gaza.

 

Les semaines suivantes passèrent très vite. Entre son travail acharné en prépa et les nuits sans sommeil où elle échangeait de longs mails avec Dov, Aïcha grandit, sortit soudain de l’enfance et des rêves. Elle se battait comme une lionne, sur tous les fronts, voulant prouver à ses professeurs qu’elle méritait de réussir, au même titre que ses camarades issus des beaux quartiers, et fomentant ce projet d’évacuation du petit Khaled et de sa grande sœur. Elle projetait de partir elle-même les chercher, en janvier, lorsqu’elle serait majeure. Elle avait déjà organisé une collecte au lycée pour financer son voyage, et elle regardait avec inquiétude les flashs d’informations sur les chaînes françaises et arabes, se demandant si l’escalade du conflit judéo-palestinien plongerait le monde dans l’obscurité, et si elle pourrait aller au bout de son projet.

Et elle était tombée très, très amoureuse de Dov. La rencontre sur un vers de Baudelaire avait débouché sur le réel, et ces chiasmes multiples confortaient la jeune femme dans son idée que la littérature, malgré tout, et l’art en général, la culture, leurs lumières, pouvaient rapprocher les hommes…Car Dov et Aïcha ne pouvaient plus se quitter. Le jeune doctorant, lui aussi, était fou de celle qu’il nommait sa « gazelle ». Leurs journées tournaient autour de leurs multiples correspondances, ils échangeaient des dizaines de mails, de SMS, de lettres, même, que la jeune étudiante se faisait envoyer au lycée, afin que sa famille ne découvre rien de ces liens interdits…Leurs peuples étaient ennemis, mais leurs esprits étaient jumeaux, et leurs cœurs ne formaient plus qu’un.

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Le trois janvier 2013, jour de son anniversaire, Aïcha rentra à la maison avec son passeport, son visa, et son billet pour Israël. C’est en mangeant le délicieux gâteau d’anniversaire à la semoule et eu miel préparé par sa maman, encore très affectée par le décès de sa sœur, mais pleine d’affection pour sa fille aînée, qu’Aïcha annonça à sa famille qu’elle s’envolerait en fin de semaine vers Tel Aviv, et que l’évacuation de ses deux cousins avait été préparée avec son oncle et « un ami israélien ».

-          Mais ma fille, tu es folle, majnouna ! Qu’est-ce-que c’est que cette histoire ? Et tes cours ? Et avec quel argent as-tu préparé toute cette aventure ?

-          Et il n’est pas question que tu partes seule, gronda Malik d’une voix menaçante.

-          Oh si, frérot, je pars. Et puis là-bas, je ne serai pas seule. Je serai logée dans la famille de mon ami, ses parents sont professeurs de français, enfin son père, parce que sa mère est morte le mois dernier, après un tir de roquette…Malgré ce deuil, ils ont accepté de nous aider, et oncle Ahmed a déjà tout préparé : je récupèrerai nos cousins au point de passage de Gaza, je serai escortée, tout est arrangé au niveau des autorités, et mon professeur de philo, dont la femme travaille dans le service de neurologie enfantine de Purpan, a organisé l’hospitalisation du petit. Faites-moi confiance. Je vous en prie. Et pour mes cours, tout est arrangé ; mes camarades et mes profs m’aideront à rattraper cette semaine perdue.

La mère d’Aïcha se leva et serra sa fille dans ses bras, en larmes, tandis que ses frères se regardaient, abasourdis. Et muets. Que dire devant tant de détermination ? Puis soudain, la petite sœur de dix ans arriva de sa chambre avec un immense dessin représentant un soleil et un cœur. Tout le monde se mit à parler en même temps, à féliciter Aïcha pour son courage, et Malik mit la chanson « Aïcha » à fond sur son mp3 en faisant tournoyer sa sœur, tandis que leur mère téléphonait à toute la famille pour annoncer la bonne nouvelle.

 

Le six janvier, vers midi, une belle jeune femme posa le pied en terre d’Israël. Très émue, Aïcha souriait en découvrant la lumière de ce pays que des frères se disputaient et partageaient depuis la nuit des temps. Comme à son habitude, elle s’arrêta pour prendre des photos, pour s’imprégner de ces parfums nouveaux, et sortit de l’aéroport juste pour voir le bus s’éloigner…Et voilà ! Elle avait encore raté sa correspondance ! Elle maugréa intérieurement, se demandant comment elle arrivait à organiser une évacuation internationale tout en étant aussi étourdie dès qu’il s’agissait de prendre un transport en commun…Elle s’apprêtait à appeler Dov, qui était spécialement déjà au lieu de rendez-vous afin d’organiser les formalités administratives, quand un mouvement de panique fit refluer les voyageurs vers l’aéroport. Une hôtesse lui expliqua en anglais qu’une bombe venait de déchiqueter un bus venant de l’aéroport. Aïcha blêmit. À quelques secondes près, elle venait de frôler la mort.

La nouvelle de l’attentat s’était répandue comme une traînée de poudre. Dov, en grandes parlementations avec les autorités, reçut un texto de son père, lui demandant de se rendre au plus vite sur la route venant de l’aéroport. Au vu de l’horaire d’arrivée d’Aïcha, il craignait que la jeune fille ne se soit trouvée dans ce bus. Dov poussa un long hurlement de bête blessée et expliqua au soldat de la patrouille de frontière qu’il reviendrait plus tard. Il se mit à courir, de toutes ses forces, tout en essayant d’appeler sa bien-aimée. Mais les lignes étaient saturées.

Quelques minutes plus tard, le jeune homme descendit de sa voiture. Il profita de son laisser-passer pour fendre la foule, et arriva sur la scène de l’attentat. C’était atroce. Les corps déchiquetés jonchaient la chaussée éventrée, des hommes en costumes religieux côtoyaient les secouristes, papillotes et kipas se mêlaient aux blouses blanches déjà maculées de rouge. Le silence, voilà ce qui était le plus impressionnant, le silence de la mort, tranchant avec les hurlements des sirènes. Seul un enfant, miraculeusement épargné par le carnage, pleurait en appelant sa mère.

Un médecin expliqua à Dov que c’était le seul survivant du massacre. La déflagration avait été telle qu’un immeuble voisin avait été presque soufflé. Les trente occupants du bus étaient tous morts, ainsi que la jeune kamikaze palestinienne.

Le jeune homme s’éloigna en titubant en direction de l’aéroport. Il allait essayer de contacter les autorités consulaires. Des larmes coulaient sur son visage, tandis qu’il marchait, hébété devant ce nouveau deuil qui le frappait, si peu de temps après la perte de sa mère, si peu de temps avant ce qu’il avait pensé être le bonheur. Aïcha, sa gazelle, si forte, si courageuse, si proche de son but et de leur amour…

-          Dov ! Dov, ne pleure pas ! Dov !

Il leva les yeux. Non loin de lui, sur le trottoir d’en face, dans la lumière merveilleuse du midi, se tenait une belle jeune femme, une valise à la main. Elle souriait et pleurait à la fois, et elle lui cria qu’elle avait raté sa correspondance, qu’elle était tellement désolée de ce nouvel attentat, et de la peur qu’il avait eue.

Et elle lui cria qu’elle l’aimait, qu’elle ne voulait plus jamais le quitter.

-          Dov, habibi, promets-le moi. Promets-moi que nous serons heureux…

Quel étrange couple ils formaient, les amoureux de l’aéroport, soudain indifférents au regard des passants, au bruit et la fureur de ce jour de guerre, figés en un seul corps de tendresse, vivants piliers se murmurant des mots d’amour, vivants symboles d’une réconciliation possible…

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;

L'homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers…

 

Quelques mois plus tard, toute la famille d’Aïcha était réunie pour la sortie de l’hôpital du petit Khaled, à présent entièrement rétabli, et pour l’annonce des résultats de fin d’année de la jeune fille. Ils étaient tous là, même les cousins de Paris étaient descendus, et ils attendaient Aïcha, attablés au café Saint-Sernin. Le parfum des tilleuls embaumait l’air de mai, les premières hirondelles tournoyaient follement dans le ciel toulousain. Malik était en grande conversation avec le père de Dov, mais aucune animosité n’agitait la tablée. Les cousins couraient autour de la basilique, et la maman d’Aïcha parlait des fiançailles des deux amoureux avec Esther, la sœur de Dov, entièrement rétablie, elle aussi.

-          Maman, ça y est ! Je suis reçue à Henri IV, je peux partir à Paris pour faire ma khâgne !

Rayonnante, tenant Dov par la main, Aïcha marchait fièrement vers sa mère, plus belle que jamais. Le jeune homme souriait, lui aussi, et l’embrassa à pleine bouche sous les youyous de la famille. Puis il sortit un livre de son veston, et debout, face au clocher de la plus grande basilique romane d’Europe et des millions de toits roses, il commença à lire le poème qui symbolisait l’improbable amour de leur rencontre interdite…

Aïcha en était à présent persuadée : la beauté sauverait le monde.

Correspondances

 

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;

L'homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers.

 

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

 

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

— Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

 

Ayant l'expansion des choses infinies,

Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,

Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

 

Charles Baudelaire

**** 

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https://www.youtube.com/watch?v=81A53xtOWXA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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